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La fessée

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Un mal nécessaire ou la peur du bâton?

L'interrogation revient fréquemment sur le devant de la scène médiatique. Faut-il interdire la fessée? Si la majorité des pays européens ont légiféré sur ce point, la Suisse ne bénéficie toujours pas d'une interdiction formelle des châtiments corporels inscrite dans la loi. Alors que l'ONU procédera à un examen de la situation des droits de l'enfant sur sol helvétique en 2015, un rapport d'experts veut bannir les comportements violents à l'égard des mineurs. Le point sur cette question en compagnie de Christine Barras, chercheuse, consultante dans le domaine du soutien à la parentalité et auteur du livre «Sociologie de la fessée».

Selon vous, faut-il inscrire l'interdiction de la gifle et de la fessée dans la loi?

À première vue, la question paraît toute simple mais, dans les faits, elle s'avère plus complexe. La Suède a, par exemple, interdit la fessée. S'il a le mérite de protéger l'enfant, ce système présente, cependant, des dérives notamment judiciaires: parents accusés à tort, calomnies... Selon moi, l'Allemagne, qui propose une voie médiane entre protection et répression, a opté pour une solution intéressante. Ce pays bannit, en effet, fessées et gifles sur le plan civil mais pas pénal. Cette interdiction formelle permet de ne pas punir un parent qui aurait donné une fois une fessée à son enfant tout en revêtant une portée symbolique forte.

Cela pose la question de la faute et de la culpabilité, une maman qui donne une fois une fessée ou une tape à son enfant est-elle forcément une mauvaise mère?

Non, souvent les parents agissent sans réfléchir dans des situations de stress ou de débordement. La tape peut aussi partir alors que l'enfant se met délibérément en danger. Le parent réagit alors sous le coup de la peur. Dans tous les cas de figure, il convient de revenir sur l'événement qui a mené au comportement violent, de recontextualiser le geste, en somme. Cela permet de s'interroger sur ses propres pratiques pédagogiques, souvent héritées de nos parents ou aïeux. De tels actes prennent, en effet, souvent la forme d'un réflexe instinctif, inscrit dans notre propre histoire familiale. N'oublions pas qu'il n'y a pas si longtemps les châtiments corporels faisaient partie intégrante de l'éducation des enfants que l'on pense aux punitions physiques données en classe ou encore au maître d'apprentissage qui pouvait violenter, en toute légalité, son apprenti. Mais je ne cautionne pas non plus la fessée dans le sens où, sur le plan éducatif, elle ne sert strictement à rien.

Pourtant une bonne fessée n'a jamais fait de mal à personne, non?

On confond souvent châtiment corporel et autorité. Or, donner une fessée, ce n'est pas faire preuve de puissance. Ce geste est, au contraire, le résultat d'un manque de maîtrise. En outre, les châtiments corporels ne constituent pas une motivation interne de changement. De ce fait, les enfants ne vont en rien modifier leur comportement fautif en profondeur. Sitôt à l'abri du regard des parents, le bambin va, en effet, recommencer. La fessée, c'est juste la peur du bâton.

Comment, dès lors, faire preuve d'autorité?

On peut, tout à fait, se faire respecter de son enfant en lui imposant des règles strictes auxquelles on se rapportera aussi longtemps qu'il ne les aura pas intériorisées. Certes, il s'agit d'un exercice long, fastidieux et répétitif mais qui en vaut la peine. Le plus important reste de communiquer ses règles à son bambin, sans explications à rallonge à n'en plus finir, et de s'y tenir. En ce sens, il convient de rester cohérent et ne pas revenir sur sa décision. Il faut alors oser dire non et ne pas céder à la moindre tentation. Par exemple, si l'on dit à son bambin qu'il a assez mangé de bonbons pour aujourd'hui, on ne va pas lui en acheter au magasin même s'il nous casse les pieds pour en avoir. À l'heure actuelle, les parents consacrent moins de temps à leur progéniture, en raison de leur activité professionnelle notamment. De ce fait, ils ont tendance à culpabiliser dès qu'ils doivent donner une punition à la prunelle de leurs yeux et craignent de perdre l'amour de leur bambin. Or donner des limites claires à son enfant, en le sécurisant et en le protégeant des dangers extérieurs, permet précisément de le faire grandir dans l'amour.

Les opposants à l'interdiction de la fessée affirment que l'éducation est une affaire privée et que l'Etat n'a pas à s'immiscer dans ce qui relève de l'intime?

Il est vrai que beaucoup de questions d'éducation touchent à la sphère privée des familles qu'il convient de préserver. Mais, dans des cas extrêmement graves qui touche à l'intégrité de l'enfant et à son développement comme, par exemple, la maltraitance, la négligence ou encore l'inceste, les pouvoirs publics doivent pouvoir intervenir. Après, différentes études ont montré que la plupart des parents n'étaient pas contre une bonne fessée, même si cette pratique doit rester l'exception. En l'interdisant, l'idée n'est pas de mettre un gendarme dans chaque maison mais de donner un signal fort contre ce châtiment.

Si l'on en vient à bannir la fessée, ne faudrait-il pas aussi interdire le harcèlement psychologique dont peuvent être victimes les enfants de la part de leurs parents et qui peut faire bien plus de mal qu'une fessée?

Cette pratique est punissable par la loi même si les procédures pour la prouver sont longues et fastidieuses. Tout comme les châtiments corporels, la violence psychologique doit être dénoncée.


La situation en Europe

En Europe, une vingtaine de pays ont interdit les punitions corporelles au sein des foyers. Parmi eux, l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et les pays nordique, l'Espagne, le Portugal ainsi que plusieurs pays des Balkans. L'Angleterre n'a pas pris de mesures tout comme la Suisse. Dame Helvétie a toutefois, comme les autres nations, banni ce genre de punition des établissements scolaires.

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