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La dysphasie

dysphasie

Le mal des mots

L'enfant apprend à parler de manière spontanée et naturelle grâce aux interactions avec son entourage. Ainsi, vers le quatrième mois, il émet ses premiers sons, certes, dénués de sens. Ce sont les fameux gazouillis. Avant un an, le bébé parvient à produire des mots et, à deux ans, il peut formuler des phrases simples. A trois ans, le bambin possède un vocabulaire plus élaboré et une connaissance plus fine de la grammaire. C'est le moment où l'enfant se plaît à raconter les expériences qu'il mène au quotidien. Mais certaines têtes blondes ne suivent pas ce parcours linéaire et peuvent alors souffrir d'un simple retard développemental du langage ou d'un trouble plus sévère et durable. On parle alors de dysphasie. Éclairage en compagnie de Martine Jimenez, enseignante spécialisée, spécialisée dans les troubles «dys» (GRe10) et Sylvie de Montmollin, logopédiste.

Combien d'élèves sont touchés par la dysphasie?
Ce chiffre diffère en fonction des études réalisées sur le sujet ainsi que des critères pris en considération pour définir et délimiter ce trouble. On estime, cependant, qu'entre 3 à 6% des enfants scolarisés en sont atteints.

Quelles sont les origines de cette pathologie?
Il s'agit d'un trouble structurel, tirant sa source dans les gènes. Une anomalie cérébrale a, en effet, été constatée dans les zones du cerveau impliquant l'expression et la compréhension verbale.

Existe-t-il différentes formes de dysphasie?
Oui, on parle de dysphasie expressive lorsque l'enfant peine à exprimer ses pensées et émotions. Ce dernier parvient, par contre, très bien à comprendre ce qui est verbalisé. À côté de cette forme d'atteinte, on trouve la dysphasie dite réceptive. Cette dernière est liée à la compréhension. Ici, le sens des mots et des phrases n'est pas bien appréhendé. Ce type de dysphasie touche plus profondément les apprentissages scolaires dans le sens où l'élève ne comprend pas ce qu'on lui dit. C'est un peu comme si vous vous retrouviez dans un pays étranger dans lequel vous ne comprenez pas la langue. Toutes les matières sont alors touchées. Enfin, on constate un type de dysphasie mixte qui touche à la fois à la compréhension du sens des mots et à leur expression.

À quel âge peut-on poser le diagnostic?
On commence par émettre une hypothèse - une sorte de signal d'alarme - vers l'âge de trois ans, postulat qui se vérifiera dans le futur ou pas car, à cet âge, il peut s'agir d'un simple retard dans le développement de l'enfant. À 5 ans, si les troubles du langage persistent malgré une prise en charge orthophonique, il convient de procéder à une réévaluation.

À noter qu'il ne faut pas hésiter à consulter car plus vite sera posé le diagnostic, meilleure sera la prise en charge. Et cela surtout, si l'on garde en mémoire, qu'une dysphasie non traitée aura un impact très important sur le futur de l'élève qui, sans maîtrise du langage, ne pourra pas entrer dans les apprentissages scolaires. Cela peut aussi avoir une influence néfaste sur l'acquisition ultérieure de la lecture et de l'écriture, clés d'accès au monde du savoir. En effet, 50% des élèves dysphasiques souffrent également de dyslexie (trouble de l'acquisition du langage écrit).

Comment s'effectue le diagnostic?
La dysphasie se définit comme un trouble spécifique, c'est-à-dire qu'elle ne touche que l'apprentissage du langage oral. De ce fait, on procède souvent par exclusions. L'enfant, qui en est atteint, ne présente, en effet, aucun trouble de l'audition ou retard mental. En ce sens, il présente un QI normal voire supérieur à la moyenne. Il n'est pas non plus en proie à un trouble d'origine psychoaffectif. Son retard dans l'apprentissage du langage oral n'est pas non plus lié à un manquement éducatif. Seul le langage est atteint.

Quelles sont les principales difficultés que rencontre l'enfant dysphasique dans la vie de tous les jours?
Pour le dysphasique qui est touché sur le versant expressif, ne pas pouvoir exprimer sa pensée de manière claire peut engendrer une grande frustration (l'interlocuteur peut sous-estimer son potentiel: c'est un élément très important lorsqu'on sait l'importance du regard de l'enseignant et des parents sur l'enfant).

Au niveau du dysphasique qui est touché sur les deux versants (compréhension et expression), on observe une difficulté à intégrer et comprendre finement le monde qui l'entoure. L'enfant peine, également, à entrer dans l'abstraction qui est induite, souvent, par le langage oral.

Et en classe?
À l'école, ces élèves ont plus de difficultés à suivre un cours donnée avec le langage oral comme support. C'est comme regarder un film dans une langue que l'on ne maîtrise pas bien. Les moments de dialogues sont plus difficiles à appréhender. L'écolier va donc comprendre approximativement et débrancher plus rapidement en raison de la fatigue que provoque la recherche de sens face à la situation.

Peut-on guérir de la dysphasie?
En règle générale, l'appellation «dys» indique un trouble durable. On peut s'adapter, développer ses compétences dans le langage oral grâce à des aides adaptées (psychomotricienne, logopédiste, enseignement spécialisé) mais la guérison n'est jamais totale. Toutefois, on vit très bien avec ce trouble s'il est bien pris en charge et cela suffisamment tôt grâce à la plasticité cérébrale.

Pensez-vous que l'école en fasse assez en la matière?
La situation actuelle, qui place au centre de ses préoccupations l'intégration des enfants ayant un fonctionnement différent, a entraîné une évolution de la profession d'enseignant. Étant en contact avec des enseignants de plusieurs établissements vaudois dans le cadre des cours de formation continue HEP, je vois l'énorme travail qu'ils font pour s'adapter à ces nouvelles populations mais je quantifie aussi l'ampleur de la tâche. Pour soutenir ces enfants, la sensibilisation et la formation des enseignants sont très importantes.

Quelles mesures peut-on mettre en place pour mieux aider ces enfants?
Il s'avère utile de visualiser le langage oral par le recours à des pictogrammes, des images, des schémas et des rébus. Il convient, également, de ne pas parler trop vite. On peut aussi marcher en procédant à un découpage syllabique à chaque pas afin que l'élève perçoive bien les sons qui composent le mot et l'ordre dans lesquels ces derniers arrivent. On peut également mettre l'accent sur le langage écrit pour permettre au langage oral de se développer grâce au support visuel que le langage écrit apporte. Demander à l'enfant de reformuler par des gestes ou de dessins afin de s'assurer qu'il ait bien compris la consigne s'avère aussi très utile. Bien évidemment, toutes ces mesures dépendent du type de dysphasie concernée et de l'enfant, chaque situation étant différente.

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