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«Un enfant ne peut pas tout faire sur internet»

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Pour Tiziana Bellucci, les règles de respect en vigueur dans la vie réelle s'appliquent aussi au web

La technologie, les enfants l'utilisent quotidiennement. Selon une récente étude menée par l'Université de Fribourg, les écoliers passent, en moyenne, 2 heures par jour devant un écran. S'il demeure inutile de vouloir bannir internet de la vie de nos bambins, Tiziana Bellucci, directrice de l'organisation Action Innocence, dont le but est de préserver la dignité et l'intégrité des enfants sur le web, mise sur la prévention et l'information pour contrecarrer les dérives potentielles de la toile.

Quel est le premier réflexe à adopter par les jeunes pour protéger au mieux leur image numérique?
Il convient de placer la réflexion avant l'action, ce qui n'est pas chose aisée sur le web où tout va toujours plus vite. Avant d'adhérer à un groupe ou de poster une photo, il est utile de se poser la question de la pertinence de son click. Ce recul nécessaire permet de se questionner sur sa pratique de la toile et de développer son esprit critique. L'enfant a toujours le choix entre mettre ou ne pas mettre une information sur internet même s'il n'en a pas toujours conscience.

Quels conseils donneriez-vous aux parents pour sécuriser au mieux internet?
Première règle basique: mettre l'ordinateur dans une pièce commune et non dans la chambre de l'enfant afin d'avoir un oeil sur ses activités en ligne. Il est aussi utile d'installer un contrôle parental et de faire part à sa progéniture de ses inquiétudes vis-à-vis de la protection de ses données. On peut alors lui expliquer pourquoi il ne faut pas mettre des informations personnelles sur la toile. Enfin, il est nécessaire d'instaurer un dialogue constructif sur son utilité. Cela implique de s'intéresser à la pratique de son enfant sur le web. Et, pour ce faire, il s'avère nécessaire de l'interroger sur la finalité de son usage d'internet. Se connecte-t-il pour les réseaux sociaux ou pour les jeux vidéos? A noter que les garçons surfent plus pour s'adonner à des jeux vidéo alors que les filles préfèrent discuter sur Facebook. Il convient, en somme, d'éduquer nos têtes blondes au web. Tout en soulignant que les normes et valeurs qui ont lieu dans la vie réelle s'applique aussi au monde virtuel. Un bambin doit savoir qu'il ne peut pas tout faire sur internet. Tous les comportements ne sont pas permis en ligne. Et les lois en vigueur s'appliquent aussi à la toile. Je pense, par exemple, au cas d'un enfant qui en harcèlerait un autre. Il doit bien avoir conscience que sa conduite n'est pas adéquate et qu'il risque des sanctions.

Et si mon enfant est victime de cyberharcèlement, comment réagir?
Il faut déjà en avoir connaissance car les parents sont souvent les derniers avertis. Ce phénomène reste, en effet, souvent dissimulé aux yeux des adultes. Cela s'explique par la honte de la victime d'en parler. D'autant plus que l'enfant, qui en souffre, pense qu'il l'a bien mérité. En réalité, la meilleure réaction à avoir demeure la prévention. En parler en amont permet d'informer son enfant sur cette possible dérive du web. Il évoquera ainsi plus librement son tourment s'il en est, un jour, victime. Souvent, la parole libère. Il en va de même pour les images violentes vues sur internet. Il convient de dialoguer pour dédramatiser.

Si le cyberharcèlement demeure peu visible, existe-t-il, tout de même, des signaux d'alerte qui devraient éveiller l'attention des parents?
Toute modification de comportement devrait intriguer les parents. L'enfant peut, par exemple, ne plus vouloir aller à l'école, ses résultats scolaires sont en baisse, il ne souhaite plus inviter d'amis ou sortir, il se plaint de maux de ventre ou a de la peine à s'endormir. Il s'agit alors de s'en préoccuper et de comprendre les raisons de ce changement.

On entend de plus en plus parler d'addiction au web, qu'en est-il pour les enfants?
Dans notre pratique quotidienne, on préfère le terme d'«usage abusif» d'internet à celui d'addiction. Cette dernière ne touche, en effet, qu'une infime partie des jeunes. Dans la majorité des cas, l'enfant ou l'adolescent passe, en effet, beaucoup de temps, voire trop de temps, sur Internet. Les situations à risque sont celles où le jeune se désintéresse de l'école, ne fait plus ses devoirs, ne participe plus aux activités extrascolaires ou encore ne dort plus pour rester rivé à son écran.

Cela pose la question du nombre d'heures passées sur le web?
Oui, beaucoup de parents me demandent s'il existe un temps maximal à ne pas dépasser. En réalité, cela dépend des enfants. Certains peuvent surfer deux heures par jour, sans que cela n'empiète sur leur vie scolaire et sociale.
Mais, dans tous les cas de figure, il convient d'établir des normes strictes sur l'usage de la toile au sein de la famille. On peut décider de fixer un quota de minutes autorisées par jour sur le web. On peut aussi interdire à son enfant d'aller sur internet s'il n'a pas terminé ses devoirs. A l'heure actuelle, on ne peut tout simplement pas se passer du web. Même en vivant sans internet, un enfant trouvera toujours une solution pour aller surfer en ligne, en se rendant, chez un ami, par exemple. Il s'agit donc de vivre avec et de trouver un modus vivendi, qui fixe des règles claires.

Selon vous, l'école en fait-elle assez en matière de prévention?
La Suisse se préoccupe du problème, ce qui est bien. Intitulée «Jeunes et médias», une campagne nationale de prévention a, par exemple, été mise sur pied. Il y a donc une réelle prise de conscience de la part de la Confédération. Après, on peut toujours faire mieux. Le prochain pas serait d'introduire un cours obligatoire de prévention des dangers du web dans toutes les écoles helvétiques. Il convient, également, de mieux informer les parents et les professionnels de la santé, de l'éducation et du social en systématisant les formations destinées aux adultes.


Une aide ciblée

Fondée en 1999, Action Innocence est une association qui oeuvre pour la dignité et l'intégrité des enfants sur le web. Avec le soutien du Service de coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet (SCOCI), l'organisation s'engage contre la pédocriminalité. Sa politique, en matière de prévention des dangers du net, s'axe sur deux composantes: des campagnes de sensibilisation grand public et des interventions dans les écoles. Dans ce cadre, l'organisation a développé un programme de prévention « Surfer avec prudence sur internet » adapté aux différents publics cibles (enfants, adolescents, parents et professionnels). Le matériel utilisé lors des interventions en milieu scolaire est élaboré en collaboration avec des experts externes (pédagogues, pédiatres, pédopsychiatres) ainsi qu'avec le Service de Santé de l'Enfance et de la Jeunesse du Canton de Genève. Afin de rendre les sessions d'informations attractives, elles sont organisées en séances participatives. L'organisme met, par exemple, en place des séances d'improvisation théâtrale sur la thématique du web et ses dérives. Action Innocence planche, actuellement, sur un module pédagogique pour les plus petits, soit les enfants âgés de moins de 6 ans, aussi touchés par cette thématique, «même si, à cet âge, on parle plus de relation à l'écran dans le sens où le bambin a plus accès au web par procuration», souligne Tiziana Bellucci, directrice d'Action Innocence. «Il prend connaissance de la toile par le biais d'un tiers, qui peut être un parent ou un frère plus âgé. Il n'a donc pas un usage et une compréhension très élaborés d'internet», conclut la responsable.

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